La Pertinence en recherche d’information

La pertinence est ce qui, dans le système de création de sens, permet la cohérence et la transmission d’un message. L’information pertinente est celle qui permet l’identification des processus, réponses, décisions correspondant à la quête dans laquelle se trouve l’utilisateur d’un système de recherche d’information.

Grâce à l’émergence de nouveaux moyens de communication, de plus en plus d’acteurs de la société de l’information se sont mis à écrire. Dans cet espace d’échange interactif la dynamique des réseaux s’est rapidement trouvée confrontée à une surabondance d’écrits, produits de plus dans des formats différents.

Dans le contexte du web 2.0, la recherche d’information semble constituer un paradigme trop restreint et qui n’éclaire qu’une partie d’un processus cognitif ou encore ne répond qu’à une partie des questions que se posent les utilisateurs à propos de l’abondance d’information à laquelle ils sont confrontés, ainsi qu’aux savoirs qu’ils sont amenés à créer, partager, faire évoluer.

Dans ce contexte, la nécessité de trouver l’information pertinente, est liée à l’existence d’une profusion mondiale d’écrits soumis au traitement informatique de la langue. Les outils issus de l’Intelligence Artificielle et du Traitement Informatique de la langue, qui ont fait l’objet de recherches bien antérieurement à ce phénomène, ont permis d’obtenir, en recherche d’information, des résultats qui donnent la possibilité aujourd’hui à chaque utilisateur de se positionner face à cette profusion d’écrits.

De plus, il convient de tenir compte non seulement des usages de la recherche d’information, mais également de l’utilisateur lui-même et de se donner les moyens d’identifier son besoin en information, notamment en cherchant à identifier les communautés d’usagers à laquelle il appartient.

Avec les réseaux sociaux, on entre de plain pied dans l’univers de la gestion collaborative de la recherche d’information et de son partage.

En tout état de cause on est face à l’émergence d’un partage du sens, si ce n’est entre experts, à tout le moins entre amateurs éclairés. Le succès rencontré par les blogs, les fils de news et les moteurs de navigation sociale tend à prouver que le facteur de confiance se détourne progressivement des grands fournisseurs de services, pour se recentrer sur l’individu, jugé à la fois plus responsable et plus pertinent.

La couleur ou connotation donnée à la recherche d’information dépend, en effet de la communauté dont émane la recherche et l’information peut être catégorisée selon les usages. Il est important lorsqu’on parle d’information pertinente, de définir la notion de pertinence par rapport à un usage d’une part et à une communauté de pratiques ou d’intérêt, d’autre part.

A titre d’exemple, au sein d’un réseau de chercheurs, l’échange d’information et de connaissance se déploie au sein d’un triangle « espace d’application /usages / technologies », propre à l’univers de la recherche. Il  est, de ce fait, d’une nature fort différente de l’information qui peut être recherchée dans les entreprises de services, par exemple. Il est donc possible, pour chacun de ces espaces, de mieux qualifier ce qu’est la recherche d’information ainsi que le partage des connaissances, à condition de réunir de manière méthodique des éléments très divers qui contribuent, ensemble, à créer du sens.

Information et Connaissance : que nous dit Platon ?

On ne peut évoquer la notion de Connaissance, sans évoquer Platon. La théorie des Formes ou des Idées (en grec, eidos) est centrale à la philosophie de Platon. Selon Platon, la notion de connaissance a pour spécificité d’une part d’être à la fois certaine et infaillible et d’autre part de renvoyer à des objets réels et de nature immuable. Dans sa théorie des formes, Platon introduit la notion d’objet mathématique. Ces objets peuvent être vus comme des formes non sensibles mais dont on peut néanmoins expliquer la nature.

Dans la République, Platon[1] expose sa théorie de la connaissance et tout particulièrement au travers de l’image de la ligne divisée et du mythe (ou allégorie) de la caverne (Livres VI et VII). Dans la ligne divisée, Platon établit une distinction entre opinion et connaissance. Les hypothèses, qu’elles soient formulées par la science ou le résultat d’une simple observation du monde sensible, Platon ne les considère que comme des opinions, qui peuvent selon le cas être ou n’être pas bien fondées. Cependant aucune opinion ne peut être considérée comme connaissance authentique, celle-ci procédant d’un niveau plus élevé qui fait entrer en action la raison plutôt que l’expérience sensible. Les connaissances intellectuelles qui sont le résultat de l’exercice de la raison, Platon considère qu’elles renvoient à  des objets constituant l’univers permanent, aux Formes ou substances éternelles qui constituent le monde réel.

[1]                      Platon – La République Livres VI et VII – FOLIO PLUS PHILOS N°78 – Editions Gallimard- ISBN : 2070338371 – EAN : 9782070338375

Une théorie de la complexité

Une fois posée la distinction entre opinion et connaissance il convient d’établir un lien entre information et connaissance. Celle-ci passe cependant par l’élaboration d’une théorie de la complexité. Edgar Morin, dans son ouvrage, « La Méthode », établit clairement ce lien en même temps qu’une distinction, en développant les notions d’activité computante et activité cogitante : « Comme toute connaissance cérébrale, la connaissance humaine organise en représentations (perceptions, remémorations) les informations qu’elle reçoit et les données dont elle dispose. Mais à la différence de toute autre connaissance cérébrale (animale) la connaissance humaine associe récursivement activité computante et activité cogitante (pensante), et elle produit corrélativement des représentations, discours, idées, mythes, théories, elle dispose de la pensée, activité dialogique de conception, et de la conscience, activité réflexive de l’esprit sur lui-même et sur ses activités ; la pensée et la conscience utilisent nécessairement, l’une et l’autre, les dispositifs linguistiques-logiques, et ceux-ci sont à la fois cérébraux, spirituels et culturels ». 

Est-ce l’usage qui crée le sens ?

Wittgenstein[1]  avance quant à lui que « la signification c’est l’usage ». Cependant quelle valeur donner à une signification qui ne ferait pas consensus, autrement dit, qui ne serait pas vecteur de communication entre les hommes ? « On aimerait dire ici : tout ce qui va me sembler correct sera correct. Et cela signifie seulement que nous ne pouvons parler au sujet de ce qui est “correct”. ”». Cette pensée aborde la dimension symbolique du langage. Tentons de boucler maintenant la quadrature du cercle en avançant la seconde proposition d’une assertion qui terminera sa vie en forme de sophisme voué aux gémonies de la pensée circulaire. Si on part du principe que « la signification c’est l’usage » alors l’usage des mots est-il le langage ?

Peut-être, si on en croit Steiner[2] qui affirme que « Le langage ne peut jouer pleinement que dans un domaine spécial et restreint de la réalité » ; mais qui s’empresse immédiatement d’ajouter : « le reste, et sans doute la plus grande part, est silence », ce à quoi Wittgenstein[3] lui  répond en écho « C’est dans la lumière et non dans l’obscurité que nous plongeons au-delà du langage ».

On peut certainement s’en tenir au postulat technicien de la fonction du langage, dans une recherche qui s’inscrit dans un environnement technologique, ancré dans l’ici et maintenant. Peut-on cependant s’autoriser à formuler une définition mécaniste du sens ? Et peut-on, inversement, aborder la thématique du sens sans aller jusqu’à des considérations ontologiques qui porteraient le débat bien au-delà des attendus de cette recherche ? La question reste ouverte… et le cœur de l’argumentation serait peut-être alors, plus animé par une volonté de partage, que de recherche d’une vérité qui revêt une expression différente pour chaque être et réside dans le secret de leur humanité.  Le juste milieu, dans le cadre de cette recherche,  se situe peut-être dans une définition, voire une reformulation de la notion d’information.

[1] Ludwig Wittgenstein, 1953/2004, Recherches philosophiques, traduit de l’allemand par Françoise Dastur, Maurice Elie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Elizabeth Rigal, Paris, Gallimard.

[2] Georges Steiner,  Langage et silence (Language and Silence: Essays 1956-1968). Paris, Seuil, 1969.

[3] Cité par Steiner

Et le web 2.0 ?

Durant les années 90, l’utilisation de plus en plus importante de ce qu’on appelait alors les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication a dynamisé la production écrite ainsi que la recherche d’information textuelle. Par ailleurs, dans le monde du travail, l’informatique permettait d’industrialiser les échanges de données ainsi que leur production.

Avec la généralisation des usages de l’internet, les technologies de traitement de données se sont orientées progressivement vers le traitement de l’information. Ce nouveau media de dissémination de l’information a amené les spécialistes à établir le constat suivant : l’information n’est pas la connaissance. La nourriture qui fait vivre et exister les organisations économiques ou institutionnelles est la connaissance, et nous évoluons collectivement dans une économie et une société de la connaissance qui se nourrit et met en perspective la valeur produite à partir de l’utilisation de connaissances.

Il est certes nécessaire de distinguer information et connaissance mais indispensable de ne pas les séparer non plus. Il ne faut pas perdre de vue que chaque acteur de la société de l’information assume à la fois le rôle de producteur et de chercheur d’information et de connaissance.

C’est ce qui fait que l’utilisateur des technologies de l’information et de la communication ne se trouve jamais face à un vide cognitif, ni dans un processus ponctuel de recherche d’une information isolée de son contexte. On observe de ce fait, une authentique rupture par rapport à la société des medias de masse et par rapport aux visions qu’on avait antérieurement de l’organisation. C’est en quelque sorte l’interactivité qui fait l’organisation et non l’organisation qui va décider de façon rationnelle qui a besoin de tel ou tel type d’interactivité ou espace d’échange, pour être et demeurer efficace.

C’est en fait à partir d’usages  massifs que s’imposent tout à la fois des technologies et des usages technologiques dominants. Et de ce fait, la véritable structuration de l’information s’établit au sein d’un processus de démultiplication et de socialisation des usages de la recherche d’information. Avec les phénomènes liés au web 2.0 comme les wikis ou encore la production de tags d’auto-référencement, comme c’est le cas sur Facebook, on se trouve face à des systèmes qui s’auto-alimentent et s’auto-organisent.