ECOUTER LE BRIEF AUDIO SUR LE WORKSLOP
Le “workslop”, c’est quand l’IA produit du travail sans substance
L’intelligence artificielle s’installe partout dans les entreprises, portée par la promesse de productivité.
Mais une étude conjointe de BetterUp Labs et du Stanford Social Media Lab (2025) vient nuancer cette euphorie : elle décrit un phénomène inquiétant, le “workslop”, ou travail qui a l’air bien fait, mais ne l’est pas.
Un email creux mais bien tourné.
Un rapport clair mais vide.
Une analyse fluide, sans fond.
Autant de contenus générés par IA qui ressemblent à du travail, mais dont la substance s’est évaporée.
Quand l’IA fait perdre du temps au lieu d’en faire gagner
L’étude (portant sur environ 1 150 employés de bureau américains) montre que 40 % d’entre eux déclarent avoir reçu du workslop le mois précédent, pour un coût estimé à 186 $ par mois et par employé.
Ces micro-pertes, multipliées par la taille des organisations, équivalent à près de 9 millions $ de perte annuelle pour une entreprise de 10 000 personnes.
Rapport BetterUp/Stanford – 2025 (inscription nécessaire pour télécharger le rapport en anglais)
Mais au-delà du chiffre, c’est un diagnostic culturel que posent les chercheurs : le problème n’est pas l’IA, mais la façon dont on s’en sert.
Les “pilotes” et les “passagers”

BetterUp Labs distingue deux profils :
-
Les pilotes utilisent l’IA pour accroître leur créativité, clarifier leurs idées, structurer leur réflexion.
-
Les passagers, eux, s’en servent pour éviter l’effort cognitif ou produire plus vite sans vérifier.
Résultat : les premiers élèvent le niveau collectif, les seconds l’abaissent.
42 % des répondants estiment même que les auteurs de workslop sont moins dignes de confiance — signe que le sujet touche au capital relationnel de l’entreprise, pas seulement à la productivité.
Le coût caché du manque d’acculturation
Le workslop révèle une défaillance de culture numérique :
absence de cadre d’usage, formation superficielle, manque d’évaluation du sens du travail.
Les outils évoluent plus vite que les mentalités, et l’IA devient parfois une prothèse de paresse plutôt qu’un levier de discernement.
Une enquête parallèle du MIT Media Lab, relayée par la Harvard Business Review, indique que 95 % des entreprises n’ont encore observé aucun retour mesurable sur leurs investissements en IA générative.
HBR – AI-Generated Workslop Is Destroying Productivity
Autrement dit, la technologie ne suffit pas.
Sans culture, le sens s’évapore.
Former des pilotes, pas des passagers

Lors de mes conférences et ateliers d’acculturation à l’intelligence artificielle, j’invite à regarder l’IA autrement : non pas comme un outil magique, mais comme un miroir de notre manière de penser. Un outil pour des humains curieux plutôt que des exécutants pressés.
Notre objectif n’est pas de rendre l’IA magique, mais de rendre l’humain lucide.
Nous parlons des 3 C de la création de Connaissance :
- Comprendre, pour décoder les logiques des algorithmes et les replacer dans le réel.
- Créer, pour utiliser l’IA comme un partenaire de pensée et non comme un tiroir à réponses.
- Connecter, pour relier les savoirs, les disciplines et les personnes — car aucune connaissance ne se crée seule.
L’IA ne remplace personne.
Elle révèle, par contraste, la valeur de la conscience humaine.
C’est là qu’intervient la pédagogie : apprendre à penser avec les machines sans jamais penser comme elles.
Et c’est bien ce que nous transmettons : parce qu’à l’heure de l’automatisation, la vraie puissance reste celle de l’esprit qui relie, qui comprend, et qui crée.
Le choc culturel de l’adaptation
L’année 2025 a vu plusieurs entreprises réagir brutalement à ce décalage.
Le Financial Times rapportait ainsi qu’Accenture prévoyait de “sortir” les employés ne pouvant être requalifiés à l’ère de l’IA, soit plus de 11 000 postes supprimés en trois mois, dans le cadre d’une réallocation interne de 865 millions $.
Ce constat organisationnel rejoint les observations macroéconomiques du Stanford Digital Economy Lab.
Dans leur étude “Canaries in the Coal Mine?” (août 2025), Erik Brynjolfsson, Ben Chandar et Ziwei Chen montrent que les effets de l’IA sur l’emploi apparaissent d’abord dans les métiers les plus exposés à l’automatisation cognitive.
Autrement dit : le “workslop” n’est que la partie visible d’une transformation beaucoup plus profonde du travail humain.
L’enjeu n’est donc pas seulement économique : il est humain.
Former, accompagner, transmettre.
Réinventer la culture du travail plutôt que la subir.
Vers une pédagogie du discernement
L’IA ne remplace pas l’humain ; elle amplifie ses intentions.
Quand l’intention est claire, elle devient un multiplicateur d’intelligence collective.
Quand elle est floue, elle multiplie le workslop.
Former à l’IA, c’est apprendre à distinguer le plein du vide, la valeur du vernis, le travail du simulacre.
Et c’est bien là, entre discernement et transmission, que se joue la véritable révolution numérique.









