L’IA n’est pas réservée aux grandes villes : mutualiser les projets pour une intelligence vraiment territoriale
On entend souvent dire que l’intelligence artificielle est l’affaire des grandes villes. Paris, Bordeaux, Nantes ou Lyon déploient leurs assistants prédictifs, leurs chatbots, leurs tableaux de bord augmentés… Pendant ce temps, dans les territoires ruraux ou semi-urbains, on se demande parfois si l’on va simplement pouvoir recruter un agent numérique.
Mais à lire le rapport du Sénat sur l’IA dans les collectivités territoriales, on comprend vite que cette fracture n’est pas une fatalité. L’enjeu n’est pas de courir derrière les métropoles, mais d’inventer un autre modèle : une IA mutualisée, solidaire, adaptée au tissu local, et plus humaine. Les maître mots : mutualisation et solidarité.
Mutualiser les intelligences… pas seulement les compétences
L’IA repose sur trois leviers : la donnée, l’algorithme, et la capacité d’en faire bon usage. Ce dernier point est souvent sous-estimé. Les petites communes n’ont pas toujours les équipes, mais elles ont souvent l’expérience du réel, des besoins très concrets, et une capacité d’expérimentation rapide.
C’est là qu’intervient une proposition forte du rapport sénatorial : désigner des collectivités cheffes de file, chargées de porter des projets IA pour un territoire élargi, d’animer des comités territoriaux de la donnée, et de favoriser la coopération.
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Des exemples inspirants existent déjà
Plusieurs territoires n’ont pas attendu une directive nationale pour mutualiser leurs efforts :
- En Auvergne-Rhône-Alpes, des centres de gestion ont mutualisé des algorithmes pour analyser des actes de carrière et détecter des erreurs automatiquement, avec un taux d’efficacité supérieur à 70 %.
- Des départements comme le Var utilisent des modèles prédictifs pour anticiper les recettes fiscales.
- La plateforme juridique Delibia offre un accès à l’analyse automatique de documents à toutes les communes de moins de 3 500 habitants.
Une commune seule n’aurait jamais pu assumer le coût. Ensemble, elles accèdent à une IA utile, pertinente, sans s’endetter.
L’IA comme levier d’égalité territoriale
L’enjeu est clair : éviter que l’IA n’aggrave les fractures existantes.
Car paradoxalement, ce sont souvent les territoires fragiles — zones de montagne, communes isolées, territoires d’outre-mer — qui auraient le plus besoin d’outils d’aide à la décision, de prédiction des risques, de détection des besoins.
L’Association des maires ruraux de France le répète : l’accès aux innovations numériques ne doit pas dépendre du code postal. Et mutualiser, c’est aussi donner du pouvoir d’agir à ceux qui en sont trop souvent privés.
Et si on créait des “Maisons de l’IA territoriale” ?
Imaginons un lieu où les agents, les élus, les citoyens viennent :
- tester des outils IA,
- formuler leurs besoins,
- consulter des experts,
- échanger des bonnes pratiques.
Un tiers-lieu intercommunal de la donnée et de l’intelligence collective, connecté aux universités, aux incubateurs locaux, aux collectivités pilotes. Une fablab public pour l’IA territoriale.
Cette dynamique pourrait être portée par des structures comme le CNFPT ou des syndicats mixtes d’aménagement numérique.
Conclusion : coopérer pour éviter l’exclusion technologique
L’IA ne doit pas être le privilège de quelques-uns. Si elle devient l’apanage des métropoles, elle échouera à réduire les inégalités et niera sa promesse publique.
Mutualiser, ce n’est pas seulement partager des coûts. C’est fabriquer ensemble des outils adaptés, respectueux des contextes, utiles pour la transition écologique, sociale et démocratique.
Et si, finalement, ce n’étaient pas les villes les plus riches, mais les territoires les plus solidaires, qui ouvraient la voie à une IA vraiment publique ?
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