
Par Marianne Dabbadie
Le ministère de l’Éducation nationale vient de publier un cadre d’usage officiel de l’IA à l’école, fruit d’une concertation nationale et d’une belle intention : ne pas laisser le système éducatif subir l’arrivée massive des intelligences artificielles génératives, mais tenter d’en encadrer les usages. Louable. Nécessaire. Mais suffisant ?
En effet, la Ministre de l’Education Nationale s’était engagée. C’est désormais chose faite. Annoncé le 7 février 2025 par Élisabeth Borne, ministre d’État chargée de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en prélude au sommet sur l’intelligence artificielle, le cadre officiel d’usage de l’IA à l’école est publié en ce mois de juin 2025.
Un texte structurant et attendu
Ce document pose des repères clairs : il distingue l’IA générative de l’IA prédictive, rappelle que ces technologies n’ont ni conscience ni compréhension, alerte sur leur impact environnemental, et réaffirme la liberté pédagogique. Il propose un cadre de responsabilité partagée : aux enseignants d’utiliser ou non ces outils, à condition de le faire de façon critique, transparente, et en respect du RGPD.
Il propose aussi une progressivité dans l’accès à l’IA pour les élèves : sensibilisation dès le premier degré (sans manipulation directe), usage encadré à partir de la 4e, autonomie encadrée au lycée. Bref, une stratégie raisonnée, avec des garde-fous.
Mais une application à construire… avec qui ?
Car une question, cruciale, surgit immédiatement : qui formera les enseignants ? Le texte prévoit des formations via M@gistère, Pix, Canopé ou les DRANE. Mais dans les faits, combien d’enseignants seront sensibilisés avant la rentrée 2025 ? Et auront-ils le temps, la disponibilité, et le soutien de leur hiérarchie pour suivre ces formations ?
À ce jour, peu de professeurs ont reçu une formation opérationnelle sur l’IA. On peut craindre que ce cadre ne reste, pour beaucoup, un document théorique et inaccessible, s’ajoutant à la pile des circulaires.
Heureusement, certaines initiatives existent pour accompagner concrètement cette transition, à l’image de la plateforme Evalir.net, qui propose des ressources ludiques, des exercices interactifs et des séquences pédagogiques adaptées pour les élèves, les familles et les enseignants. Conçue par des chercheurs et formateurs engagés, elle vise à développer l’esprit critique face à l’IA et à faciliter son appropriation dans un cadre sûr et compréhensible.
Ressource à découvrir : Evalir.net
La plateforme Evalir.net propose une expérience pédagogique immersive sur l’IA pour les jeunes, les parents et les enseignants. Elle inclut des scénarios interactifs, des jeux de rôle où l’on incarne une IA, des exercices sur les biais et les désordres informationnels, ainsi que des parcours de formation à la citoyenneté numérique. Une façon concrète d’agir pour donner aux jeunes des clés de compréhension et de maîtrise de ces technologies.
Des usages qui débordent le cadre
Le texte interdit à un enseignant de demander à un élève de créer un compte sur un outil IA. Intention saine. Mais est-ce bien réaliste ? Les collégiens n’ont pas attendu la 4e pour découvrir ChatGPT. Dès la 6e, des devoirs sont rédigés par IA. Le cadre officiel ne suffira pas à freiner les usages autonomes déjà installés dans les pratiques personnelles.
Une occasion de dialogue à saisir
Ce cadre est un point d’appui utile. Il légitime les initiatives pédagogiques, fixe des lignes rouges, et encourage la réflexion. Mais il manque une gouvernance claire : à qui les enseignants poseront-ils leurs questions concrètes ? Les inspections ? Les référents numériques ? Une cellule IA à créer ? Pour l’instant, chacun semble livré à lui-même.
Enfin, les collectivités locales, les parents, les entreprises éditech, sont également concernés. La transformation numérique de l’école par l’IA ne se fera pas sans eux.
En conclusion, ce cadre est bienvenu. Mais un cadre, sans bâtisseurs pour l’habiter, n’est qu’un tracé dans le sable. Si l’on souhaite qu’il prenne vie, il faudra accompagner, former, discuter, adapter. Rapidement. Et sur le terrain, auprès de toutes les communautés éducatives avec des outils et des conférenciers intervenant au sein des établissements scolaires.