Montage réalisé à partir d'un dessin généré par une IA et le visage de Jean-Emmanuel Bibault dans le rôle du médecin.

Montage réalisé à partir d’un dessin généré par une IA et le visage de Jean-Emmanuel Bibault dans le rôle du médecin.

L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la cancérologie suscite de nombreux débats quant à sa capacité à révolutionner le diagnostic et le traitement du cancer. Jean-Emmanuel Bibault est médecin et chercheur en cancérologie à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou. Lors d’une interview accordée à FranceInfo en marge du AI FranceSummit 2025, le chercheur apporte un éclairage nuancé sur ce sujet. Selon lui, bien que l’IA offre des perspectives prometteuses, elle ne saurait, à elle seule, guérir le cancer. Il insiste sur l’importance de la collaboration entre l’IA et les professionnels de santé pour optimiser les soins aux patients.

Jean-Emmanuel Bibault médecin est également écrivain et auteur de l’ouvrage « 2041, l’Odyssée de la médecine : Vers une révolution médicale par l’IA, entre espoirs et défis », publié en 2023 aux éditions des équateurs. Voir notre article et notre podcast consacrés à cet ouvrage.

Les apports de l’IA en cancérologie

L’IA a démontré son potentiel dans divers aspects de la cancérologie. Par exemple, dans le domaine de la radiothérapie, des algorithmes d’apprentissage profond améliorent la précision du ciblage des tumeurs, permettant des traitements plus efficaces tout en préservant les tissus sains. Une étude publiée en 2024 souligne que l’IA peut automatiser des tâches répétitives, améliorer la précision diagnostique et faciliter la radiothérapie adaptative. Cependant, ces avancées s’accompagnent de défis, notamment le risque de biais automatisés et la nécessité de programmes robustes d’assurance qualité.

De plus, l’IA est utilisée pour analyser de vastes ensembles de données cliniques, génomiques et radiologiques afin d’identifier des schémas complexes qui pourraient échapper à l’œil humain. Ces analyses peuvent conduire à la découverte de biomarqueurs prédictifs de la réponse aux traitements ou à la progression de la maladie, contribuant ainsi à une médecine plus personnalisée.

Les limites actuelles de l’IA

Malgré ces avancées, l’IA présente des limites notables. Jean-Emmanuel Bibault souligne que l’IA ne peut remplacer l’expertise humaine. Les algorithmes dépendent des données sur lesquelles ils sont entraînés, et des biais présents dans ces données peuvent entraîner des erreurs diagnostiques ou thérapeutiques. Par exemple, une IA entraînée principalement sur des données provenant d’une population spécifique pourrait ne pas être aussi performante lorsqu’elle est appliquée à une population différente.

De plus, l’IA manque de la capacité de raisonnement contextuel et de l’intuition clinique que possèdent les médecins. Elle peut identifier des corrélations, mais pas nécessairement des causalités, ce qui est essentiel dans la prise de décision médicale. Par conséquent, une supervision humaine reste indispensable pour interpréter les résultats générés par l’IA et les intégrer de manière appropriée dans le contexte clinique.

La nécessité d’une collaboration homme-machine

Plutôt que de considérer l’IA comme une solution autonome, Jean-Emmanuel Bibault préconise une approche collaborative. L’IA devrait être vue comme un outil complémentaire, destiné à assister les cliniciens dans leur pratique quotidienne. Par exemple, dans la planification des traitements en radiothérapie, l’IA peut proposer des plans optimisés que le médecin peut ensuite évaluer et ajuster en fonction des spécificités du patient.

Cette collaboration nécessite également une formation adéquate des professionnels de santé. Ils doivent être formés à l’utilisation des outils d’IA, comprendre leurs limites et être capables d’interpréter leurs résultats. De même, les développeurs d’IA doivent travailler en étroite collaboration avec les cliniciens pour s’assurer que les outils qu’ils conçoivent répondent aux besoins réels de la pratique médicale.

Les défis éthiques et réglementaires

L’intégration de l’IA en cancérologie soulève également des questions éthiques et réglementaires. La protection des données des patients, la transparence des algorithmes et la responsabilité en cas d’erreur sont autant de défis à relever. Il est essentiel d’établir des cadres réglementaires clairs qui garantissent l’utilisation sûre et éthique de l’IA en médecine.

De plus, il est crucial de veiller à ce que l’IA ne creuse pas les inégalités en matière de santé. Par exemple, si les outils d’IA ne sont accessibles qu’à certains centres médicaux ou à certaines populations, cela pourrait entraîner des disparités dans la qualité des soins. Il est donc important de promouvoir une accessibilité équitable aux technologies d’IA et de s’assurer qu’elles bénéficient à tous les patients, indépendamment de leur origine ou de leur situation géographique.

L’intelligence artificielle représente une avancée majeure dans le domaine de la cancérologie, offrant des opportunités pour améliorer le diagnostic, le traitement et la personnalisation des soins. Cependant, comme le souligne Jean-Emmanuel Bibault, elle ne peut se substituer à l’expertise humaine. Une approche collaborative, associant l’IA et les professionnels de santé, est essentielle pour tirer pleinement parti de ces technologies tout en garantissant des soins sûrs, efficaces et éthiques aux patients atteints de cancer.